Carnets de voyages

Norbert VOGEL

C’est le vendredi 29 avril aux aurores que 17 membres de l’AIACE se retrouvent, tout engourdis de sommeil, à l’aéroport de Zaventem, qui porte encore les stigmates des attentats du 22 mars. Le début de notre voyage est quelque peu chahuté : un check-in chaotique et la perte temporaire d’une grande partie de nos bagages mettent nos nerfs à rude épreuve, mais tout va mieux lorsque nous découvrons Moscou, parée de ses plus beaux atours en prévision de la Pâque orthodoxe. On est loin de la mégalopole sinistre et vaguement hostile que d’aucuns ont pu imaginer ! Le soir, un dîner — croisière sur la Moskova nous permet de constater que les autorités moscovites ont remarquablement mis en valeur leur patrimoine architectural par un savant éclairage, qui n’a rien à envier à ce que l’on peut trouver dans les plus belles cités occidentales. Signalons qu’Yvette Demory a contribué au succès de ce voyage en l’organisant de façon parfaite.

La matinée du lendemain est consacrée à un tour dans le métro : un réseau de 300 km, 205 stations (rassurez-vous, on ne les a pas faites toutes !), une architecture somptueuse et une propreté irréprochable ne manquent pas d’impressionner les visiteurs que nous sommes. Notre excellente guide Anna nous emmène ensuite au Kremlin, véritable ville dans la ville, où nous découvrons les richesses des cathédrales de l’Annonciation, de la Dormition et de l’Archange Saint-Michel avant d’assister à une spectaculaire relève de la garde, exécutée magistralement par un régiment d’élite. Après un passage par le Palais des Armures, nous poursuivons par une visite du monastère de Novodevitchi et du cimetière tout proche, véritable « Père-Lachaise » moscovite où reposent de

Kremlin de Rostov Veliky

nombreuses célébrités, telles qu’Anton Tchekhov, Nikita Kroutchev, l’avionneur Tupolev ou encore Raïssa Gorbatchev, l’épouse de l’ancien dirigeant russe. Enfin, une visite de Moscou ne serait pas complète sans un détour par la Place Rouge, la Cathédrale de Saint-Basile-le — Bienheureux et le centre commercial Gum, authentique temple du luxe et de la consommation déroulant quelque 2,5 kilomètres de galeries sur trois niveaux.

 

Mais c’est le dimanche 1er mai que commence réellement le périple qui nous fera accomplir une boucle de plusieurs centaines de kilomètres au nord-est de Moscou et constitue le véritable but de notre voyage : la découverte de l’Anneau d’Or. Il s’agit d’une douzaine d’anciennes cités princières qui délimitent un espace de terres noires extrêmement fertiles et, partant, très convoitées dès le Moyen Âge.

Une remarque tout d’abord : contrairement à une idée très répandue, Moscou n’est pas la seule ville russe à posséder son « Kremlin ». En fait, ce mot désigne la partie fortifiée d’une ville, l’endroit où est concentré le pouvoir politique ou religieux, voire les deux. C’est ainsi qu’au XVsiècle, le fameux tsar Ivan IV, dit « Le Terrible », séjourna brièvement au Kremlin d’Alexandrov, le premier que nous visitons. Mais c’est celui de Rostov Veliky, inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, qui est sans doute le plus beau de ceux que nous verrons. C’est un endroit d’une extrême beauté,

Musée-atelier des Majoliques

qui respire sérénité et s’offre à nos regards sous un soleil étincelant. Nous nous arrêtons ensuite à Iaroslavl, cité millénaire située sur la Volga et inscrite, elle aussi, au Patrimoine mondial.

 

Nous voilà déjà le mardi 3 mai, c’est-à-dire à la moitié de notre voyage. Après un passage au Musée-atelier des Majoliques, où chacun d’entre nous a l’occasion d’exercer ses modestes talents artistiques, nous nous remettons en route vers Kostroma, une ville agréable datant du XIII siècle, située, elle aussi, sur les bords de la Volga et qui regorge de richesses architecturales. La beauté du Monastère Ipatiev nous laisse sans voix et une visite du Musée d’architecture en bois nous permet de terminer la journée en beauté.

Dès le lendemain, nous enchaînons avec un autre musée en plein air, mais cette fois-ci à Souzdal, une ville presque millénaire arrosée par la rivière Kamenka. Autrefois très puissante (elle compta jusqu’à treize monastères), Souzdal est considérée comme le berceau de l’État russe. Aujourd’hui, la ville ne compte guère plus de 10 000 habitants, mais attire deux millions de touristes par an... Il est vrai que son Kremlin est une pure merveille et que le monastère de Saint-Euthyme et la Cathédrale de la Nativité laissent à tous ceux qui les ont vus un souvenir inoubliable.

Le jeudi, après un sympathique déjeuner chez l’habitant, une excursion nous conduit à Vladimir, une agglomération plus importante fondée en 1108 et comptant quelque 350 000 habitants, mais totalement dépourvue de l’agitation qui règne habituellement dans une ville de cette envergure. C’est au sommet d’une colline que nous découvrons la superbe Cathédrale de la Dormition, édifiée au XIIsiècle et qui resta toujours ouverte, même au temps du régime communiste. Nous terminons la journée par une visite extérieure de l’église de l’Intercession sur la Nerl à Bogolubovo, où nous avons également l’occasion de faire une petite promenade pédestre bien agréable après les nombreuses heures passées dans l’autocar.

Avant de regagner Moscou, un dernier morceau de choix nous attend : la ville de Sergeev Possad, et en particulier sa laure (c’est-à-dire son important monastère orthodoxe fondé au XIV siècle), important lieu de pèlerinage considéré comme le coeur de l’orthodoxie russe. L’ensemble comprend 945 bâtiments qui rivalisent de splendeur, dont la magnifique Cathédrale de la Trinité et la Cathédrale de l’Assomption, où repose Boris Godounov, fils d’Ivan le Terrible et tsar de Russie au tournant du XVIIsiècle.

Enfin, une dernière matinée dans la capitale permet à ceux qui le désirent d’effectuer encore quelques emplettes, de rendre une dernière visite à la Place Rouge ou d’explorer à pied les grands boulevards moscovites.

Le samedi 7 mai en fin d’après-midi, nous voilà̀ de retour à Bruxelles, la tête pleine d’images et souvenirs glanés dans un univers situé à trois heures d’avion seulement et pourtant si différent du nôtre !